A l’occasion de l’inauguration en août 2019 du nouveau Village pour filles de Tanzanie, financé en grande partie par notre association, je me suis rendue sur place. Je vous partage mes premières impressions.

De France, la Tanzanie est avant tout associée aux safaris, au Kilimandjaro, et aux clichés liés au tribus Masaï. Loin de ces belles images, la réalité des hommes et femmes sur place est toute autre. Le pays est avant tout pauvre, extrêmement pauvre : près de 50 % de la population vit avec moins de 1.90 $ par jour (1). Le pays est très jeune et la population connait une croissance très forte…toutes les infrastructures de base (routes, écoles…) sont à développer.

Dès le premier soir en discutant avec l’un des professeurs recruté par les Sœurs de Marie, j’ai commencé à comprendre. Il nous explique que les enfants doivent faire des kilomètres pour aller à l’école. En effet, chaque jour sur la route, les pistes, nous voyons des enfants marcher. La nuit tombe très tôt (vers 18h30) et cela devient dangereux. Il n’y a pas de lumières, mais seulement la lune pour éclairage. Le professeur nous explique aussi que les écoles de l'Etat n’ont pas de moyens : les classes sont surchargées, avec plus de cent élèves par classe ; il n’y a pas de livres, ni de cahiers (juste trois ou quatre pour une classe) et parfois trois élèves doivent se partager une chaise. En discutant, pendant l’inauguration du Village, avec la représentante du ministère de l’Éducation Nationale, je comprendrai mieux les défis de ce pays.

Le lendemain, nous partons pour le nouveau Village en construction. Tout au long du trajet, nous voyons des personnes marcher, des sortes de stand en bois avec des bâches ou à même le sol. On vend de tout : des fruits et des légumes, mais aussi du charbon de bois, des parpaings fabriqués avec des moules à la main, des lits, des chaussures… Tout le monde fait du commerce pour gagner un peu d’argent. Il y a très peu d’emplois en CDI en Tanzanie. La principale ressource vient de ce que l’on vend. Ces stands qui nous paraissent très rudimentaires doivent être loués nous explique le chauffeur.

Nous continuons notre route sur une piste – peu de routes sont en bon état. Plus nous avançons, plus la piste est défoncée. Pas de pancartes pour se diriger : il faut demander son chemin. Nous arrivons après deux heures de route au Village pour filles. A notre arrivée, tout le monde s’affaire pour préparer l’inauguration. Les filles répètent les chants avec leurs professeurs. Certaines s’occupent de préparer des gâteaux au cours de gastronomie dispensé par un ancien élève des Philippines. Reconnaissant de ce qu’il a reçu des Sœurs de Marie, il a répondu « oui » à leur invitation à venir transmettre son savoir aux jeunes filles de Tanzanie.

Nous visitons le nouveau bâtiment : trois salles de classes pour 153 filles (elles étaient plus de 1 100 à candidater) et 3 salles dédiées aux formations professionnelles (couture, informatique, gastronomie - pain, pâtisserie, cuisine - et service hôtelier). De l’autre côté du bâtiment, nous trouvons les espaces de vie « familles », qui comprennent chacun un dortoir et un réfectoire. Ils ont été baptisés avec des noms de saints : sœur Bakhita, sœur Theresa... et même sœur Michaëla.

Les enfants sont divisés en trois familles, gérées chacune par une sœur et une postulante. Leur mission est de prendre soin des enfants au quotidien, mais aussi de leur apprendre les bonnes manières, le sens de l’hygiène et certaines valeurs comme l’honnêteté, la prise d’initiative, l’esprit d’équipe et le sens du service. Sœur Maureen nous raconte avec humour certaines anecdotes. Par exemple, cette fois où les enfants avaient cuisiné du pain en cours de cuisine, qui devait ensuite être servi dans leur famille. Mais le pain s’est avéré trop salé parce que les filles n’avaient pas respecté les consignes données par leur professeur. Une autre fois où du beurre avait été posé sur la table mais les filles ne savaient pas comment l’utiliser. Les Sœurs leur ont donc montré comment tartiner leur pain et mordre à pleine dents dans la tartine.

Les filles sont extrêmement contentes de nous rencontrer : elles veulent nous montrer le jardin qu’elles cultivent après les cours avec leur « famille », la cuisine… Elles prennent la pause pour les photos, nous racontent qu’elles sont contentes d’être là car elles peuvent construire un avenir. Elles veulent être filmées pour dire « merci » aux donateurs.

Nous rencontrons aussi sœur Sylvia qui est en charge de l’approvisionnement. La nourriture est un vrai défi pour le Village. Deux fois par semaine, elle va faire les courses à environ une heure de route et ramène des dizaines de kilos.

Sur place nous allons voir aussi le puits qui permet au Village de s’approvisionner en eau. L’ingénieur nous explique que l’eau doit être désalinisée avant usage. Il nous emmène ensuite voir l’électricité. Il a fallu construire trois kilomètres de ligne pour raccorder l’école. Mais l’électricité reste très chère et aléatoire : il y a beaucoup de coupures électriques et c’est alors le générateur qui prend le relais. A l’avenir, les sœurs voudraient mettre des panneaux solaires pour réduire significativement les coûts et ne plus subir les coupures.

Le lendemain nous revenons pour l’inauguration. Une multitude de personnes sont présentes. En un an à peine, les sœurs ont tissé un important réseau. La responsable du district leur rend régulièrement visite et les épaule dans leurs démarches. La représentante du ministère de l’Education Nationale me partage ses enjeux : construire sans cesse de nouvelles écoles, obtenir de nouveaux équipements car la population croît sans arrêt, trouver des nouveaux professeurs... Les Sœurs de Marie sont une chance pour toutes les filles : elles ne pourraient pas aller à l’école autrement, car elles sont trop pauvres. L’ambassadeur de Corée est également présent. C’est en Corée que tout a commencé et il connait la qualité et l’impact des programmes développés depuis plus de 55 ans.

Les filles dansent, elles ont créé des chorégraphies, elles chantent... Elles ont répété des chants en anglais, ce qui leur permet d’apprendre la langue. Jusqu’à présent, elles parlaient uniquement leur dialecte local ou le swahili, la langue du pays, alors que l’examen national de deuxième année est en anglais. Apprendre l’anglais en si peu de temps est un vrai défi. Le soir après l’inauguration, les filles participent au rangement et au nettoyage du Village avec les sœurs. Dans leur dortoir est accroché le planning des services. Etre au service de l’autre, une valeur importante que les Sœurs désirent transmettre.

Le lendemain, nous partons pour aller à la rencontre des familles de certaines élèves. Derrière l’uniforme, on oublie parfois la pauvreté de ces jeunes filles....

Apprendre le sens du service

Dans la première maison nous rencontrons les sœurs de Dominita. Elles vivaient à trois dans une pièce et partageaient le même lit. La maman est morte mais elle reste présente en photo sur le mur. Elles paient 25 000 shillings tanzaniens de loyer (soit 15€). Pas d’eau courante, un rideau fait office de porte. Huit familles habitent sous le même toit. Tout est stocké dans la pièce : le réchaud au charbon de bois, les vêtements, de quoi faire un peu de cuisine. Pour arriver chez elles, il a fallu passer par un dédale de passages étroits, en terre.

Dans le même quartier plus loin, nous arrivons dans la maison d’Anna-Maria. Cette maison de moins de 15m² n’a qu’un lit, une petite lampe à batteries, pas d’électricité, pas de tables ni de chaises : la famille utilise des seaux à eau en guise de siège. La pluie s’infiltre dans la pièce, car la tôle ondulée qui sert de toit est trouée de toute part ! Anna-Maria explique comment avec sa maman, elles utilisaient tous les récipients de cuisine pour limiter l’inondation. La maman est très contente de voir sa fille. Elle est toute seule à élever ses deux enfants. Elle vend du manioc sur le bord de la route. Maigre et préoccupée par l’obligation de trouver de l’argent pour faire vivre ses deux enfants, savoir sa fille chez les Sœurs de Marie la soulage d’un grand poids.

Pour aller voir, les parents d’Openda, nous prenons la route puis une piste. La dernière étape se fait à pied car il est impossible d’avancer en véhicule. Nous découvrons sa famille. Son beau-père est agriculteur et vend sa production au marché. Cette maison est en terre, de deux pièces d’à peine la taille d’un lit, il l’a construit de ses mains. Il nous emmène voir ses cultures et nous dit qu’il a la chance d’avoir de l’eau à proximité : le puits est en bas de la colline.

La Tanzanie reste un pays pauvre (parmi les derniers des classements mondiaux par niveau de pauvreté). Les enjeux de développement restent très fortement présents. C’est dans ce contexte que l’évêque avait demandé aux Sœurs de Marie de venir. Il leur a donné le terrain.

Les donateurs français ont contribué aux premières constructions. Un immense merci des enfants et des Sœurs. Aujourd’hui, le Village est toujours en cours de construction : chaque année, une nouvelle promotion arrivera pour étudier six ans. Une gageure pour les Sœurs car il faut construire les nouveaux bâtiments. Pour 2019-2020, les projets sont : un bâtiment de cinq étages dans un premier temps, suivi d’un immense préau/gymnase… Un véritable défi...

Pour nous aider, vous pouvez faire un don à notre association (chaque don bénéficie de 75% de réduction d'impôt, dans la limite des plafonds).

Myriam VERGER
Directrice du développement

(1) 49.1 % - Source : Banque Mondiale 2011