Cet article a été publié en 2012, pour la première fois.
Il est reproduit ici avec la permission de son auteur, John Pint.
Tout a commencé lorsque j’ai proposé à mon ami Rodrigo Orozco, plus connu sous le nom de « Monsieur Tarentule » à cause de son projet anti-braconnage dans le Mexique occidental, de participer à une randonnée que j’organisais le samedi suivant.
"Désolé John" m’a répondu Orozco, "Je suis occupé tous les 44 samedis à venir.”
Bien évidemment, j’étais curieux de savoir ce que mon ami prévoyait de faire durant presque tous les samedis de cette année.
“Il n’y a pas si longtemps j’ai rendu visite à la “Villa de los Niños”, plus connue sous le nom de Village du Monde pour garçons. Figure-toi que j’ai été très impressionné - c’est le moins qu’on puisse dire. » commença-t-il par m’expliquer. « A la fin de ma visite, je leur ai proposé de leur présenter mon exposé sur les Insectes Dangereux et les Insectes Inoffensifs du Mexique. En fait, il doit y avoir environ 2 000 garçons là-bas. Dans ma présentation, tous les enfants peuvent avoir la chance de voir et toucher des tarentules, milles pattes et toutes autres sortes d’arachnides s’ils ne sont que 45 enfants par séance maximum… Donc si tu calcules bien il me faudra un peu moins d’un an avant que tout le monde puisse y participer. Tu pourrais venir m’assister de temps en temps si cela te dit ? “
Bien évidemment, j’ai accepté.
La Villa de los Niños est située à 30 kilomètres au sud-ouest de Guadalajara sur l’autoroute 35, juste 20 kilomètres au nord-ouest du lac Chapala. En passant par le portail d’entrée, Rodrigo m’a montré plusieurs grands bâtiments qui se dressaient devant nous. "Par là, il y a une grande ferme piscicole et là, une boulangerie et sur ta droite, tu peux voir un atelier de carrosserie. En plus d’une bonne éducation, ces garçons reçoivent une formation professionnelle dans toutes sortes de métiers.
Nous nous sommes arrêtés à la bibliothèque. J’ai aidé Rodrigo à installer son projecteur et à déballer des Tupperware remplis de petites créatures se tortillant. Il s’est retourné vers moi et m’a dit : "Tu sais, ça fait des années que je fais ce genre de présentations devant des enfants. Je commence habituellement par leur demander s’ils ont déjà entendu parler des arthropodes (la famille des araignées, mites, tiques etc.) et pas une seule fois un enfant m’a répondu oui . Sauf ici où presque tout le monde a levé sa main et savait exactement ce dont il s’agissait. Je pense que cette école est probablement la meilleure de tout le Mexique”.
Quelques minutes plus tard une trentaine de jeunes garçons âgés de 15 ans sont entrés en silence et en rang dans la bibliothèque. Je fus surpris de voir qu’ils n’étaient pas accompagnés par un adulte. C’était un public de rêve : les garçons n’étaient pas seulement bien élevés, ils étaient aussi enthousiastes et intéressés, et participaient activement en posant tout le temps des questions.
Après la conférence, j’ai eu la chance de m’entretenir avec la personne responsable de la Villa de Los Niños, une petite religieuse, timide mais souriante, venue des Philippines, qui s’appelle Sœur Nenita.
Dans la pièce dans laquelle nous parlions, des photos d’autres Villages du Monde pour garçons et filles du Brésil, du Guatemala, de Corée du Sud et des Philippines pendaient aux murs. Toutes ces écoles font partie d’une grande organisation appelée World Villages for Children (Villages du Monde pour Enfants).
"Qui est le fondateur du projet ?" demandais-je à Sœur Nenita.
Je fus surpris par sa réponse : “Un américain nommé Al Schwartz. C’est un prêtre catholique qui a travaillé en Corée du Sud après la guerre de Corée et avait comme but d’aider les milliers de jeunes sans abris qui, à cette époque, vagabondaient dans les rues.”
J’ai appris pas mal de choses sur “le Père Al” comme tout le monde l’appelle ici. Il a étudié plusieurs organisations comme celle de “ Boys Town”, dans le Nebraska aux USA, avant d’élaborer son propre projet. Ici au Mexique, que ce soit La Villa de Los Niños ou le site pour filles (Villa de las Niñas, pas très loin de Mexico City), les Sœurs continuent de suivre la même méthode que celle élaborée par leur fondateur : tendre la main aux plus pauvres d’entre les pauvres où qu’ils se trouvent dans le pays et essayer de trouver ceux qui ont les meilleures aptitudes pour les études.
Leurs familles se voient offrir une chance de donner à leurs enfants une éducation gratuite pendant 6 ans (les secondaires). Les enfants ne rentrent chez eux que pour Noël et les grandes vacances, mais leurs proches peuvent venir leur rendre visite sur place durant toute l’année.
La Villa de los Niños est gérée entièrement par seulement 14 sœurs, membres de la communauté des Sœurs de Marie. Deux s’occupent de la nourriture et de l’administration, les 12 autres s’occupent des 2.000 garçons. Seulement douze — je n’en crois pas mes oreilles !
Cependant, le système semble fonctionner à merveille, peut-être grâce au fait qu’un ancien (un étudiant plus expérimenté appelé "cuyo" ou "frère ainé" - un terme venu du langage Tagalog des Philippines) se charge d’un groupe de 33 garçons plus jeunes. D’après ce que je peux voir, pour ce qui est de l’ordre (la discipline ?) et de la convivialité, il est difficile de faire mieux que ces jeunes du Village pour Garçons.
Durant leur séjour à la Villa de los Niños, les garçons passent quelques années à apprendre un ou plusieurs des 14 différents métiers enseignés par des experts. Cela comprend la pisciculture (ferme piscicole), la cuisine, l’horticulture, la mécanique, la carrosserie, l’électricité, l’informatique, la climatisation et la réfrigération, la menuiserie, l’anglais, le Tae Kwan Do, le tissage de la soie et tous les aspects de la confection d’un bijou, comme la coulée à la cire perdue et la gravure.
J’ai eu le plaisir de visiter plusieurs ateliers sur le campus en compagnie de Sœur Magdalena. Premièrement, elle m’a amené dans une énorme serre qui est la ferme piscicole. Ici les garçons apprennent à élever le tilapia et produisent 10.000 poissons par ans, 90 % de la production sera mangée par les garçons et le reste vendu au public. Comme disait Sergio Romo, le professeur de pisciculture, "un mètre cube d’eau rapporte beaucoup plus que n’importe quel parcelle de terrain sur terre”. Savoir élever le poisson est une compétence de grande valeur quand on vit entourer de lacs et de rivières.
Le professeur José Elias Arias enseigne les matières de réfrigération et climatisation à la Villa de los Niños et m’a raconté que ses cours sont identiques à ceux qu'il enseigne à Guadalajara pour les personnes souhaitant devenir des professionnels dans le domaine. "A part le fait que presque tout le monde a un frigo et que beaucoup de personnes ont l’air conditionné, la réfrigération est maintenant essentielle dans beaucoup d’industries. J’ai appris aux garçons à faire des réparations ménagères, industrielles et bientôt des réparations de l’air conditionné dans les voitures.”
Vu que tous les garçons et toutes les filles reçoivent ce type d’enseignement ainsi qu’un enseignement de base de premier choix, ils sont capables non seulement d’aider leur famille mais également leur village. C’est à mon sens le meilleur exemple pour prouver que l’éducation peut battre la pauvreté.
Compte tenu de l’excellente réputation du Village pour Garçons et de son offre de formation élargie auniveau Bachelor, une foire de l’Emploi a été organisée pour la première fois l’année passée dans le Village et de nombreux postes ont été proposés aux jeunes diplômés. Ainsi Laboratorios Julio — une chaine de magasins de photographie à Guadalajara —, a par exemple engagé 3 étudiants issus de cette école et le propriétaire nous confiait après 3 mois de collaboration :"Ces jeunes sont les trois employés les plus productifs de mon entreprise".